Journal du Club des Cordeliers - Les groupes IA, signal d'un électrochoc pour l'industrie musicale

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Les groupes IA, signal d'un électrochoc pour l'industrie musicale
Les groupes IA, signal d'un électrochoc pour l'industrie musicale / Photo: Kirill KUDRYAVTSEV - AFP/Archives

Les groupes IA, signal d'un électrochoc pour l'industrie musicale

La multiplication des groupes dont l'image et la musique sont entièrement générées par intelligence artificielle (IA) inquiète les artistes, mais ce n'est que la partie émergée d'un phénomène de fond qui commence déjà à réduire le gâteau que se partagent les musiciens professionnels.

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Que ce soit le désormais fameux Velvet Sundown et son rock vintage, ou Aventhis et The Devil Inside avec leur country policée, il n'est plus rare de voir une création tout droit sortie d'une interface IA dépasser le million d'écoutes sur Spotify.

Derrière ces concepts, règne l'opacité. Et les producteurs de cette musique 100% IA sont injoignables.

Aucun grand service de streaming par abonnement ne signale les titres intégralement conçus grâce à cette technologie, à l'exception de Deezer.

"Dans un avenir proche, on va voir sortir beaucoup de musique dont on ne pourra pas vraiment dire qui l'a faite ou comment", anticipe Leo Sidran, producteur, compositeur et interprète.

Pour cet artiste oscarisé, l'émergence de ces groupes IA "montre peut-être à quel point beaucoup de morceaux sont désormais communs et convenus".

Dans le podcast "Imagine AI Live", le producteur et compositeur Yung Spielburg voit l'IA souligner la séparation entre "l'écoute passive et active".

L'écoute active implique que les gens "s'intéressent à ce que vous avez à dire" et concerne une musique qui a, selon lui, peu à craindre de l'arrivée de l'intelligence artificielle.

Avec l'écoute passive, en revanche, pendant la préparation d'un repas, un dîner à la maison, ou la corvée de repassage, "vous ne cherchez pas à savoir qui est l'artiste".

Et si des logiciels deviennent assez avancés pour que les "gens ne puissent pas faire la différence" en écoute passive, labels et entreprises "choisiront l'IA générative", prédit-il, "parce qu'ils n'auront pas à payer de droits."

- "Fort ralentissement" -

Les plateformes de streaming "remplissent déjà des playlists avec de la musique d'+ambiance+, souvent attribuée à des artistes mystérieux sur lesquels on ne trouve aucune information", renchérit Dennis DeSantis, professeur à l'université de Rochester.

Au-delà du streaming, films, séries, publicités ou espaces publics sont des proies faciles pour cette production synthétique, poursuit l'universitaire, car "la musique n'y est qu'au second plan".

Quand bien même ces morceaux ne seraient conçus que partiellement grâce à l'IA, ce phénomène réduit, de fait, le volume de travail disponible pour la profession.

"Cela va devenir encore plus difficile pour les musiciens de gagner leur vie", s'inquiète Mathieu Gendreau, professeur à la Rowan University, aux États-Unis, et spécialiste de l'industrie musicale.

"C'est probablement cela le problème principal", dit-il. "Comment l'argent va-t-il être distribué?".

Leo Sidran dit avoir observé un "fort ralentissement" de l'activité depuis l'automne dernier, une sensation partagée par ses contacts dans le milieu.

"Je soupçonne que l'IA y est pour beaucoup", glisse celui qui anime aussi le podcast "The Third Story". "Je sens que beaucoup des clients qui me commanderaient habituellement de la musique règlent la question avec l'IA."

- "Opportunité pour les artistes" -

Le progrès technologique a déjà plusieurs fois révolutionné le monde de la musique, de la radio au streaming, en passant par la boîte à rythmes ou le logiciel d'enregistrement et d'édition Pro Tools.

Mais pour George Howard, professeur au prestigieux Berklee College of Music de Boston, "l'IA constitue un défi sans commune mesure" avec ces chapitres précédents.

La voie à privilégier passe, selon lui, par les tribunaux, où sont engagées de nombreuses procédures opposant détenteurs de droits aux géants de l'IA générative, un processus qui ne devrait pas aboutir avant plusieurs mois, voire plusieurs années.

Habitué à un écosystème fragilisé depuis le début des années 2000, Mathieu Gendreau a pris son parti de l'IA, "qui va s'installer durablement car elle est peu chère et pratique".

Pour aider ses étudiants à survivre dans cet univers, il leur enseigne que "la musique n'est qu'une partie" de l'équation. "Il faut être entrepreneur", dit-il, "avoir plusieurs activités", se diversifier.

Leo Sidran essaye de positiver et évoque "une opportunité pour les artistes de mettre en avant ce qui les rend uniques".

"Ne cherchez pas à faire quelque chose d'attendu", insiste-t-il, "parce que l'IA l'aura fait aussi."

M.Morel--JdCdC