

Pesticides: la pétition contre la loi Duplomb franchit la barre des deux millions de signatures
La mobilisation citoyenne se poursuit : la pétition contre la loi Duplomb, qui permet notamment la réintroduction sous conditions, d'un pesticide, interdit en France depuis 2018, a dépassé lundi matin la barre des deux millions de signatures sur le site de l'Assemblée nationale.
"Aujourd'hui je suis seule à écrire, mais non seule à le penser", affirmait le 10 juillet, pour conclure son texte, Eleonore Pattery, une étudiante de 23 ans. Dix-sept jours plus tard, les faits continuent de lui donner raison, même si le rythme des signatures ralentit.
Sa pétition avait déjà atteint les 500.000 signatures le week-end dernier, une première sur le portail de l'Assemblée, ce qui ouvre la voie à l'organisation d'un nouveau débat dans l'hémicycle.
Sa portée sera toutefois limité: si les différents groupes politiques pourront exprimer leurs positions, il ne permettra pas, seul, de revenir sur les dispositions déjà adoptées.
La pression s'accentue en tout cas un peu plus sur le gouvernement, sommé par la gauche, les ONG et désormais une partie non négligeable de l'opinion publique d'abroger le texte.
Un sondage de Cluster17 pour le parti Génération Ecologie, dans La Tribune Dimanche, confirme ce sentiment de défiance: 61% des personnes interrogées se disent défavorables à cette loi, dont 46% "très défavorables". Elles sont 64% à souhaiter qu'Emmanuel Macron ne promulgue pas le texte et qu'il le soumette à une nouvelle délibération au Parlement.
La pétition a été abondamment relayée sur les réseaux sociaux par des ONG, des partis politiques mais aussi des personnalités comme l'acteur Pierre Niney, le musicien Julien Doré ou l'influenceuse EnjoyPhoenix.
Elle demande l'abrogation "immédiate" de la loi, "la révision démocratique des conditions dans lesquelles elle a été adoptée", alors qu'il n'y a pas eu de réel débat dans l'hémicycle, et une "consultation citoyenne des acteurs de la santé, de l'agriculture, de l'écologie et du droit" sur les sujets soulevés.
- "intelligence collective" -
Son succès "prouve que l'intelligence collective existe — et qu'elle triomphera, tôt ou tard", a commenté l'étudiante, qui ne souhaite pas s'exprimer dans les médias, mercredi sur le réseau Linkedln.
Outre des mesures sur les retenues d'eau ou les seuils d'autorisation environnementale des bâtiments d'élevage, la loi "Duplomb-Menonville", du nom des sénateurs de droite et du centre qui l'ont portée, cristallise les critiques en raison de la réintroduction sous conditions d'un pesticide, l'acétamipride, interdit en France depuis 2018, mais autorisé en Europe.
Son utilisation est réclamée par les producteurs de betteraves et de noisettes, qui estiment n'avoir aucune alternative contre les ravageurs et subir une concurrence déloyale de leurs concurrents européens.
A contrario, les apiculteurs mettent en garde contre "un tueur d'abeilles". Ses effets sur l'humain sont aussi source de préoccupations, même si les risques restent incertains, faute d'études d'ampleur.
Le texte, adopté définitivement au Parlement après un parcours législatif très agité, attend désormais le couperet du Conseil constitutionnel, qui rendra sa décision "a priori" le 7 août et pourrait censurer toute ou partie de la loi.
C'est seulement après qu'Emmanuel Macron pourra décider de promulguer le texte ou demander une seconde délibération au Parlement, réclamée notamment par la gauche.
Les parlementaires de gauche ont saisi le Conseil constitutionnel, estimant cette loi incompatible avec la préservation de l'environnement et le droit à la santé.
- concilier "science" et "juste concurrence" -
L'exécutif marche sur des oeufs face à cette mobilisation citoyenne de grande ampleur : le président de la République a dit attendre la décision des Sages avant de s'exprimer sur la pétition. Il a appelé à concilier "science" et "juste concurrence" en matière environnementale, selon ses mots mercredi en Conseil des ministres, rapportées par la porte-parole du gouvernement Sophie Primas.
Le camp présidentiel ne parle pas d'une seule voix.
La ministre de l'Agriculture Annie Genevard a affirmé que le texte serait "de toute façon promulgué", estimant qu'il serait "extrêmement périlleux" d'organiser une seconde délibération sur ce texte.
D'autres ont demandé une saisine de l'Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses), comme le patron du parti présidentiel Renaissance, Gabriel Attal, soutenu par la ministre de la Transition écologique Agnès Pannier-Runacher.
Le gouvernement s'est dit "disponible" pour un débat au Parlement.
Le sénateur Les Républicains Laurent Duplomb a, lui, dénoncé ces derniers jours "l'instrumentalisation par l'extrême gauche et les écologistes" de cette pétition.
G.Girard--JdCdC