Irlande : victoire écrasante à la présidentielle de la candidate de gauche Catherine Connolly
La candidate indépendante de gauche Catherine Connolly a très largement remporté la présidentielle de vendredi en Irlande, tandis que le nombre des bulletins nuls a atteint un niveau inédit, selon les résultats officiels définitifs fournis samedi soir.
Cette ex-avocate de 68 ans devenue députée en 2016, qui critique aussi bien l'Union européenne que les Etats-Unis, a obtenu plus de 63% des suffrages contre 29,5% pour Heather Humphreys, du parti de centre droit présent au gouvernement Fine Gael, sa seule véritable rivale dans ce scrutin.
Un troisième candidat, Jim Gavin, du Fianna Fail, la principale formation - également de centre droit - au sein de la coalition au pouvoir, avait annoncé son retrait de la course début octobre mais a quand même eu 7% des voix.
"Catherine sera une présidente pour nous tous et elle sera ma présidente", avait quelques heures plus tôt concédé à la télévision Mme Humphreys
Catherine Connolly succédera donc à Michael Higgins, 84 ans, qui a enchaîné deux mandats de sept ans depuis 2011 à ce poste essentiellement honorifique.
- "Un immense privilège" -
Si la participation a été de près de 46%, donc, contre toute attente, plus élevée qu'à la précédente présidentielle de 2018, cette élection a été ternie par la quantité record des bulletins de vote annulés, environ 13% du total, dont certains portant les mots "pas de démocratie" ou des messages anti-immigration.
A l'instar du Royaume-Uni voisin, l'Irlande connaît en effet un débat de plus en plus conflictuel sur l'afflux de demandeurs d'asile, avec des manifestations parfois violentes.
Des personnalités conservatrices avaient appelé à l'abstention, notamment en signe de protestation contre le fait que seuls deux candidats s'affrontaient réellement, et ce pour la première fois depuis 1990.
La candidate des conservateurs, Maria Steen, n'avait pas réuni suffisamment de soutiens parmi les parlementaires pour pouvoir se présenter.
"Ce sera un immense privilège de vous servir", a assuré Catherine Connolly dans son discours de remerciement après la publication des résultats.
"A ceux qui n'ont pas voté pour moi et à ceux qui ont rendu nul leur vote, laissez-moi vous dire que je serai une présidente inclusive, à votre écoute", a-t-elle poursuivi.
Mme Connolly s'est en outre engagée à être "une voix pour la paix, une voix qui s'appuie sur notre politique de neutralité" et qui insiste sur "la menace existentielle que constitue le changement climatique".
- Tensions en perspective -
"Je me réjouis de travailler avec la nouvelle présidente (...) à un moment où l'Irlande continue de jouer un rôle important sur la scène internationale", a pour sa part affirmé le Premier ministre Michael Martin, à la tête du Fianna Fail.
"Je lui souhaite tout le succès possible", avait auparavant clamé Simon Harris (Fine Gael), le vice-Premier ministre.
Catherine Connolly "parle au nom des personnes ordinaires", a estimé auprès de l'AFP Una Corcoran, 62 ans, à Galway, sa ville natale dans l'ouest de l'Irlande.
"Dans l'ensemble, je trouve qu'elle est très intègre. Elle n'a pas peur d'être impopulaire. Et c'est une oratrice très douée et assurée. Je pense qu'elle réussira", a commenté Oisin Woods, un employé du secteur des technologies âgé de 35 ans qui a également voté pour elle.
Connue pour son franc-parler, Catherine Connolly était soutenue par les principaux partis d'opposition, dont les Verts et la formation nationaliste Sinn Fein, autrefois la vitrine politique de l'Armée républicaine irlandaise (IRA).
Militant pour la réunification de l'île d'Irlande, elle est opposée à une augmentation des dépenses de défense et en faveur du maintien de la tradition de neutralité de l'Irlande, un pays de 5,2 millions d'habitants devenu membre de l'UE en 1973 et qui a un programme de partenariat avec l'Otan, dont elle ne fait pas partie.
En septembre, Mme Connolly a toutefois réitéré sa condamnation de l'invasion de l'Ukraine par la Russie. "Je n'ai jamais, jamais hésité. Ce que je dis, c'est qu'un pays neutre comme le nôtre devrait dénoncer tous les abus de pouvoir – de la Russie et aussi de l'Amérique", a-t-elle alors ajouté.
Cette femme charismatique et sportive, qui parle couramment le gaélique, a par ailleurs condamné "le génocide" dans la bande de Gaza.
Des commentateurs prédisent que ses positions tranchées sur la politique étrangère, la défense mais aussi le logement pourraient provoquer des tensions avec le gouvernement.
La manière dont Catherine Connolly "gère les relations avec un gouvernement dont elle estime clairement qu'il poursuit de mauvaises politiques crée désormais une nouvelle incertitude – et possiblement un conflit – dans la politique irlandaise", a ainsi écrit l'Irish Times.
M.Marchand--JdCdC