Jugé en diffamation, Rue89Lyon accuse Jean-Michel Aulas de procédure abusive
Le média indépendant Rue89Lyon, poursuivi en diffamation par l'ancien patron de l'OL et candidat à la mairie de Lyon Jean-Michel Aulas et son fils Alexandre, a défendu mardi devant la justice son travail d'enquête et dénoncé une "procédure abusive".
La décision du tribunal correctionnel de Lyon sera rendue le 20 janvier, à moins de deux mois du scrutin municipal, mais les faits au coeur du dossier précèdent l'entrée du chef d'entreprise dans l'arène politique.
Le groupe Holnest, contrôlé par Jean-Michel Aulas, avait porté plainte après la publication en octobre 2023 d'"informations calomnieuses" sur un investissement fait par le groupe familial aux Etats-Unis.
L'enquête intitulée "La famille Aulas s'envole en jet privé vers des paradis fiscaux" était centrée sur la société américaine Embassair, spécialisée dans l'accueil de jets privés de luxe en Floride, cofondée par Jean-Michel Aulas.
Rue89Lyon y évoque "un marché fructueux et climaticide" et des "sociétés offshore imbriquées façon poupées russes" administrées par un cabinet luxembourgeois.
"Sociétés offshore", "poupées russes", "écran de fumée": "l'association de ces termes ne visent qu'à insinuer que M. Aulas fait de l'évasion fiscale", a déploré l'un des deux avocats de l'homme d'affaires, Me Alexis Chabert.
La structuration des entreprises impliquées dans l'investissement, "banale" selon son confrère Me Edouard De Mellon, ne permet "pas de conclure qu'ils participent à un projet d'évasion fiscale", a martelé l'avocat.
- "Etrange" -
Dans l'article d'octobre 2023, il est fait notamment référence au fait que la société-mère d'Embassair est basée dans le Delaware. Domicile légal de milliers de grandes entreprises, cet Etat américain est connu pour sa fiscalité avantageuse.
Le Luxembourg et le Delaware ne sont pas inscrits sur les listes de "paradis fiscaux" de l'OCDE ou de l'Union européenne, ont souligné les deux avocats. Ils ont demandé au nom de leurs clients un euro de dédommagement, "une réparation symbolique", et la publication du jugement sur le site.
Les journalistes "posent des questions, ils s'interrogent", a rétorqué leur avocat Me Thomas Fourrey, qui a dénoncé une "procédure abusive" réclament le paiement des frais d'avocats par l'homme d'affaires.
Jean-Michel Aulas "aurait pu répondre aux questions qui lui étaient posées, il aurait pu venir à la barre cet après-midi. On n'a rien eu pendant deux ans. C'est un peu étrange: on ne parle pas, et on veut faire taire les autres", a déploré Me Fourrey à la sortie de l'audience.
Rue89Lyon a reçu lundi le soutien du Syndicat national des journalistes (SNJ) qui déplore "une énième procédure-bâillon en France, qui vise à museler les journalistes et nuit au pluralisme de l'information".
Mardi, l'équipe de campagne du maire sortant de Lyon Grégory Doucet a affirmé sa "solidarité" avec les journalistes.
"L'ensemble des partis membres de notre union souhaitent affirmer leur soutien à Rue89 face à cette procédure d'intimidation", indiquent-ils dans un communiqué, appelant M. Aulas à "répondre sur le fond".
F.Francois--JdCdC